L'appel des armes by Psichari Ernest (1883-1914)

L'appel des armes by Psichari Ernest (1883-1914)

Auteur:Psichari, Ernest (1883-1914) [Psichari, Ernest (1883-1914)]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature (généralités)
Éditeur: J. Lambert
Publié: 2016-10-25T00:00:00+00:00


VI

Claire Monestier est la femme que Vincent a choisie pour qu’elle devînt plus tard sa femme. Dans une âme aussi équilibrée que celle de Maurice, dans un cœur aussi sain, il n’y avait guère de place pour le romantisme. Claire était tout simplement celle dont il rêvait d’avoir plus tard des enfants. Les félicités qu’elle lui promettait étaient pour lui si assurées qu’il n’avait point de trouble ni de hâte. Il était comme ces marins bretons qui gardent pendant des années en eux l’image de la promise et attendent avec une sereine confiance le retour au pays. C’est sans urgence qu’il voulait construire la maison de son bonheur. Mais dans une heure si critique où il faisait sa vie, comment ne serait-il point allé vers son amie, comme une barque, après une tempête, cherche son havre ? Près d’elle, il savait bien qu’il ressentirait du calme et la certitude, pour ainsi dire, mathématique du bonheur.

La maison de M. Monestier se trouvait à une centaine de mètres de la ville de Crécy, sur les rives mêmes du Grand Morin. C’était une jolie demeure, agreste et villageoise. Le jardin empli de roses et de magnolias avait un peu l’air d’un parc, mais dans le goût tendre du XVIIIe siècle. On y voyait des rocailles enfouies dans des bosquets, une vieille statue en plâtre qui s’effritait, et, à côté de cela, des parterres soignés d’où montait une chaude odeur terreuse. Le tout formait un ensemble un peu naïf qui devait plaire à un bourgeois transporté aux champs, assez touchant comme peut l’être ce que le citadin va chercher à la campagne. C’était bien là ce qu’on appelait jadis une « maison des champs ».

Maurice Vincent, ayant vu que la villa était déserte, traversa vivement ce petit éden qui tenait tant de place sous le ciel de ses vingt ans. Près du Morin, se trouvait un endroit qu’il aimait entre tous. Un pavillon tapissé de lierres s’avançait dans la rivière et baignait ses pilotis dans l’eau encombrée de roseaux et de conferves. Une barque plate aux planches vermoulues était retenue à la rive par une lourde chaîne, et autour, le flot tranquille, inondé de soleil, faisait deux grandes ondulations parallèles. Là, l’on sentait l’abandon, ce mortel silence des endroits où l’on ne va pas, une joie contenue et un peu lasse, comme celle qui finit les beaux jours.

Du pavillon, Maurice espérait voir son amie. Il y respirait la fraîcheur de l’ombre et se mit à trembler de bonheur. Cet humble abri lui suggérait l’image d’une vie calme et réglée, d’une retraite heureuse que les agitations du monde ne troublent pas. Au milieu des inquiétudes de sa jeunesse, il donnait une minute au souvenir qui l’enveloppait d’une ombre mystérieuse et envahissante.

Il secoua sa torpeur et descendit du pavillon. Comme il s’approchait de la rive, il aperçut Claire de l’autre côté du Morin. Tous deux éclatèrent de rire de se voir séparés un instant par l’eau mouvante et noire. Maurice détacha la barque et, en s’aidant d’une gaule, il suivit l’ombre oblique des peupliers.



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